FOVEA : visualisation et interaction 3D

Les outils dits de "Réalité Virtuelle", c'est-à-dire de visualisation et d'interaction tridimensionnelle avec des objets complexes, vont permettre d'intégrer les modélisations du sous-sol, de l'environnement et des fossiles et de créer un site de fouille "virtuel".

Une visualisation globale aisée

Le site virtuel sera d'une très grande complexité géométrique. Seule une plate-forme performant de réalité virtuelle permettra de visualiser le modèle dans sa totalité et en temps réel. Des lunettes stéréoscopiques apporteront une meilleure perception du relief et de la position relative des différents objets. Un dispositif à 6 degrés de liberté (joystick ou souris) permettra au paléo-anthropologue de se déplacer facilement dans le site virtuel.

L'indexation de tous les objets permettra aussi de les sélectionner ou de modifier l'affichage en fonction de leurs caractéristiques. Le paléo-anthropologue pourrait ainsi choisir une date ; les couches géologiques, les objets et les fossiles dont les datations ne correspondent pas deviendraient alors semi-transparentes afin de faire ressortir la période étudiée, tout en permettant de percevoir les articulations avec les périodes contiguës.

Si les moyens techniques existent, il est nécessaire d'étudier soigneusement l'interface et les modes de visualisation pour que l'utilisateur puisse aisément profiter de la puissance offerte par une fouille virtuelle.

Une nouvelle approche : la fouille dynamique

La visualisation conjointe des modèles 3D du sous-sol, de l'environnement et des fossiles permettent de comprendre leur relations : par exemple, un fossile trouvé au milieu de nombreux outils de pierres taillées qui sont inclus dans la même couche géologique permet de corréler les caractéristiques physiques de l'Homme préhistorique avec ses capacités cognitives et de dater ce stade d'évolution. Cependant, il est quelquefois très difficile de faire ces rapprochements : les couches géologiques se sont affaissées, des parties peuvent même s'être dissoutes, déformant ou abîmant les fossiles et modifiant la répartition et la localisation des objets.

Le paléo-anthropologue souhaiterait donc pouvoir "redresser" toute la structure pour essayer de retrouver les formes et les dispositions originales. Or, la structure des maillages simplexes utilisée dans la modélisation du sous-sol permettrait d'envisager ce genre de manipulation. Il devient alors nécessaire d'utiliser des périphériques de réalité virtuelle (comme des gants de données) pour permettre à l'utilisateur d'interagir avec le modèle du site. Par exemple, un champ de force répulsif attaché à une main "virtuelle" peut permettre de "sculpter" des couches géologiques et de tester différentes hypothèses d'affaissement en visualisant instantanément les résultats sur les outils et les fossiles environnants.

Cette fouille dynamique ouvrirait une nouvelle voie dans la recherche paléo-anthropologique avec la possibilité d'appréhender le site dans sa globalité temporelle. A terme, nous pouvons imaginer une véritable modélisation 4D (3D + temps) de la fouille.

Une interaction intuitive et précise : le retour haptique

Nous avons vu dans les deux paragraphes précédents toute l'importance de disposer d'un mode d'interface tridimensionnel. Cependant, une souris 6D ou un gant de données ne permettent d'avoir qu'un retour visuel qui reste limité. Nous souhaiterions donc étudier l'utilité du retour haptique pour la fouille virtuelle.

Le paléo-anthropologue pourrait "sentir" la résistance des couches géologiques quand il essaie de les redresser. Cette résistance pourrait soit dépendre des caractéristiques du terrain (comme les caractéristiques sédimentologiques ou les qualités plastiques des matériaux de remplissage), soit ne représenter qu'une "métaphore" (par exemple proportionnelle à l'écart par rapport à la situation initiale).

De même, nous pouvons imaginer avoir un retour de force en fonction de la densité de certains types d'objet dans la modélisation de l'environnement. Ceci permettrait de mieux appréhender, en trois dimensions, la répartition des objets retrouvés sur le site alors que visuellement, il faudrait multiplier les points de vue.

Enfin, la possibilité de "toucher" les surfaces virtuelles des fossiles peut s'avérer très utile pour se rendre compte de la complexité de la forme de certaines structures, en particulier, dans des images micro-scanographiques où l'appréhension visuelle de l'objet est rendue difficile par la complexité géométrique de la reconstruction.

Vers une Recherche paléo-anthropologique distribuée

Via le réseau Internet, il sera possible pour des paléo-anthropologues situés dans des laboratoires distants, ou pour des personnes présentes sur le champ de fouille réel d'avoir accès à la modélisation 3D du site. Cela ouvre des perspectives de travail collaboratif où plusieurs utilisateurs partagent le même environnement, et interagissent entre eux ou conjointement avec les mêmes données . En particulier, cela permettra à des spécialistes des différents domaines (géologie, faune, anthropologie, etc.) ou de différentes époques de travailler ensemble en même temps alors qu'ils sont dans des laboratoires distants, voire sur des continents différents.

Ceci nécessite le développement d'une plate-forme de Réalité Virtuelle Distribuée qui associe des outils de visualisation et d'interaction, des procédures d'accès multi-utilisateurs cohérent et synchrone à une base de données commune.

Des archives et des résultats accessibles à la communauté scientifique et au grand public

Nous prévoyons de mettre en ligne les données et les résultats des modélisations sur le Web afin que la communauté internationale scientifique puisse les étudier et les développer. Pour cela, nous envisageons d'utiliser la norme du Web3D Consortium (ex-VRML).

A partir de ces données, il deviendra alors possible de recréer un véritable modèle physique du fossile en utilisant le procédé de la stéréolithographie.

Ceci dit, les données paléo-anthropologiques sont d'une très grande valeur pour l'équipe qui les découvrent et les exploitent. Il est donc nécessaire de réfléchir à un protocole de diffusion : faut-il sécuriser l'accès aux données ; doit-on envisager plusieurs niveaux de résolution ou de qualité ?

Une version simplifiée et interactive de ces données sera présentée au grand public dans le cadre d'une présentation muséographique qui peut prendre l'aspect d'une vidéo, ou de consoles interactives (par exemple, avec une version simplifiée de la plate-forme de Réalité Virtuelle). La paléo-anthropologie est en pleine essor - découvertes récentes de nouveaux fossiles très anciens, mise sur le marché de nouvelles technologies d'acquisition de données tridimensionnelles, développement de nouveaux outils statistiques et de modélisations physiques - et il est donc indispensable que le grand public profite des découvertes et que des vocations de paléo-anthropologues-informaticiens apparaissent.